« St. Jude », hackeuse pionnière et méconnue de l’histoire d’Internet


« Les nanas veulent des modems ! » Ces mots qui claquent comme un slogan, on les doit à Judith Milhon, dans une interview accordée en 1995 au magazine Wired. Pionnière de la contre-culture cybernétique américaine, militante en faveur d’Internet comme espace d’apprentissage et d’émancipation pour les femmes, celle qui fut surnommée « Saint Jude » est morte dans l’anonymat en juillet 2003.

Le vingtième anniversaire de sa disparition est toutefois l’occasion de rappeler le parcours et l’héritage de cette codeuse avant-gardiste, restée dans l’ombre de l’histoire des technologies, contrairement à d’autres militants cryptoanarchistes célèbres, comme Timothy C. May, John Gilmore et Eric Hughes, ou à des personnalités revendiquant cet héritage, à l’instar de Julian Assange. Tous lui doivent pourtant l’invention du terme par lequel ils se sont définis : « cypherpunk », contraction du verbe to cypher (« chiffrer », en anglais) et de « punk ». Un mot-valise pour désigner un mouvement dissident très influent, régulièrement cité comme matrice de bitcoin.

De « Mondo 2000 » aux cypherpunks

A la fin des années 1960, alors qu’elle approche des 30 ans – elle est née le 12 mars 1939 –, Judith Milhon s’installe à Berkeley, en Californie. Cette ville, déjà l’épicentre de la contre-culture hippie, s’apprête à devenir le berceau de la cyberculture. Là-bas, elle fait la connaissance d’un groupe de jeunes programmeurs informatiques qui se définissent eux-mêmes comme des hackers. Judith Milhon a appris seule à coder. Elle s’est formée en autodidacte aux langages Fortran et C ++ grâce à la lecture de manuels.

En août 1973, elle participe à un moment décisif de l’histoire informatique, puisqu’elle prend part à la création du « Community Memory Project », l’un des tout premiers réseaux informatiques de partage d’informations (bulletin board system, ou BBS) entre usagers. Ce réseau est considéré comme l’un des ancêtres de Craigslist, le célèbre site de petites annonces en ligne créé deux décennies plus tard, en 1995, à San Francisco.

Photo d’identité judiciaire de Judith Milhon. Elle apparaît ici avec le nom de son premier mari, lors de son arrestation lors de la marche pour les droits civiques de Selma à Montgomery, en Alabama (Etats-Unis).

A l’époque, le projet est très expérimental : une photo d’archive montre une installation rudimentaire recouverte d’un carton, sur lequel figure le nom écrit à la main, le tout posé dans un magasin de disques du campus de l’université de Berkeley. Les artistes et les musiciens qui fréquentent l’endroit l’utilisent pour poster des petites annonces et faire la promotion de leurs concerts. Très vite, le projet prend de l’ampleur, préfigurant les futurs panneaux d’affichage électroniques, très courants dans les universités ou les entreprises, et plus largement le Web social.

Il vous reste 54.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source
Catégorie article Politique

Ajouter un commentaire

Commentaires

Aucun commentaire n'a été posté pour l'instant.